LES TENDANCES DU MARCHÉ DE LA TECH

25 mins d'écoute | Pierre Gromada | Podcast | Technologie

Chasseurs de Tech – Saison 1. Episode 1

Dans ce premier épisode de Chasseurs de Tech, Pierre Gromada, Directeur Technology Solutions Hays France & Luxembourg, Romain Haimez, Chargé de recrutement IT Europe et Asie pour Shift Technology et Ndèye-Fatou Thioye, Chargée de Contenu Hays France & Luxembourg, abordent ensemble les tendances actuelles du secteur de la Tech. Comment adapter sa stratégie de recrutement dans un monde professionnel en constante mutation ? Comment se positionner face à l’inflation des salaires dans la Tech ? Comment attirer et retenir les meilleurs talents Tech ? Réponses dans ce premier épisode de notre podcast Chasseurs de Tech.

 

Ndèye-Fatou Thioye : Bienvenue sur notre podcast Chasseurs de Tech. Aujourd’hui, pour ce premier épisode, nous abordons la question suivante : quelles sont les tendances actuelles du secteur de la Tech ? Et comment adapter sa stratégie de recrutement face à un public difficile à recruter ? Pour répondre à ces questions, je suis accompagnée de Romain Haimez, Chargé de recrutement IT Europe et Asie pour Shift Technology et Pierre Gromada, Directeur Technology Solutions Hays France & Luxembourg.

L’Etude Inside Tech Talent de Hays, menée dans 20 pays de la zone EMEA, aborde la pénurie de talents dans le secteur Tech. Elle met notamment en lumière les priorités des Comités de Direction : développement du chiffre d’affaires (43 %), optimisation des processus grâce à la technologie (25 %), la digitalisation (19 %), et la rétention des salariés dans la Tech (18 %). Romain, te reconnais-tu dans ces tendances ?

Romain Haimez : Le chiffre d’affaires est bien sûr toujours au cœur du business et reste une donnée essentielle pour nous. Cependant, il ne peut pas se réduire à une simple question d’argent. De même, la technologie, la culture et les individus ne peuvent pas être considérés de manière isolée. Lorsqu’une entreprise connaît une croissance rapide, il devient crucial de trouver un équilibre entre le chiffre d’affaires, la croissance et la durabilité. Ainsi, c’est la combinaison de tous ces facteurs qui revêt une importance primordiale pour nous, bien plus que le chiffre d’affaires en lui-même.

Pierre Gromada : Je suis d’accord avec Romain et je confirme la deuxième place de la Tech dans les tendances révélées par ce sondage. Aujourd’hui, pour de nombreuses entreprises, adopter une transformation numérique est vitale, que ce soit pour rattraper leur retard ou pour maintenir leur compétitivité. Cette priorité s’applique à toutes les industries du marché. Je pense que cela reflète également la situation en France. La Tech occupe clairement une place stratégique et importante pour les comités de direction.

Ndèye-Fatou Thioye : En France et au Benelux, près de 70 % des professionnels de la tech expriment leur satisfaction quant à leur rémunération, comparé à un peu plus de 60 % pour les autres cadres.

 

En tant que chargé de recrutement en Europe et en Asie, Romain, qu’as-tu pu observer au sujet de la rémunération ?

Romain Haimez : La rémunération est une question récurrente et essentielle. Les employés ne travaillent pas bénévolement, c’est certain. Il est crucial de les rémunérer correctement, non seulement pour attirer et fidéliser, mais aussi parce que les entreprises performantes doivent également se préoccuper de leur durabilité.

Au-delà de la rémunération, il s’agit de savoir si les employés sont satisfaits de leur poste et de leur travail quotidien. Certains candidats s’intéressent au produit sur lequel ils travaillent, aux collègues avec lesquels ils interagissent et au contexte international de l’entreprise.

Chez Shift, par exemple, l’anglais est la langue commune, même si la moitié de nos 200 employés à Paris n’est pas française. Cela montre que d’autres facteurs, tels que la culture d’entreprise, sont tout aussi importants. Nous explorons actuellement plusieurs pistes, dont notre initiative « Focus Friday ».

Tous les mois, nos 550 employés ont soit la matinée, soit l’après-midi dédiés à cette initiative. Pendant ce temps, ils sont exclusivement libres de réunions. Leur objectif ? Se concentrer sur leur développement personnel. Ils se posent des questions telles que : “Quelles compétences puis-je développer ? L’espagnol est-il important pour mon métier ? etc.” Ce moment est très apprécié, car il permet à chacun de se recentrer sur soi-même. De plus, la flexibilité au travail est un enjeu majeur aujourd’hui.

Ndèye-Fatou Thioye : Lorsque tu évoques ce « Focus Friday », tu perçois à juste titre cet aspect de rétention. C’est une manière de montrer aux collaborateurs qu’un vendredi peut être consacré à autre chose qu’à des réunions, ce qui peut parfois susciter l’envie de rester et de s’investir davantage.

Romain Haimez : La question de l’attraction des talents a toujours été centrale. Dans un marché où la pénurie est la norme, comment attirer les candidats ? Pour faire une analogie sportive, gagner une fois est difficile, mais maintenir son niveau et retenir les talents est encore plus complexe. Il faut être proactif et travailler sur tous les fronts simultanément. Certains réussiront, d’autres moins, mais la rétention est aujourd’hui essentielle.

Ndèye-Fatou Thioye : En 2022, 41 % des professionnels de la tech n’ont pas bénéficié d’augmentation salariale, tandis que 31 % ont vu leur salaire augmenter jusqu’à 10 %. Cette situation est assez proche, voire moins favorable, que la tendance générale observée dans d’autres secteurs.

 

 

Quel est votre regard sur l’inflation des salaires dans la Tech ?

Pierre Gromada : Dans les métiers opérationnels, comme la programmation, la valeur des profils sur le marché reste relativement stable. Cependant, il n’est pas possible d’augmenter les salaires indéfiniment. Sinon, nous risquerions de voir des Ingénieurs en programmation gagner 150 000 euros un jour, ce qui ne serait pas tenable pour les entreprises.

La situation actuelle est telle que nous avons atteint un seuil où les entreprises et les candidats estiment que les rémunérations sont justes. En effet, de nombreux candidats cherchent à obtenir des augmentations en changeant de poste. Ce changement de fonction, souvent accompagné d’un élargissement de périmètre ou d’une évolution de carrière, se fait généralement en dehors de leur entreprise actuelle. Malheureusement, ces démarches restent trop rares en interne.

Romain Haimez : Je suis d’accord avec Pierre. La tendance est complexe car elle dépend de nombreux facteurs, notamment des individus au sein de l’entreprise. Dans le domaine de la Tech, où les métiers et les technologies sont variés, les cycles jouent un rôle important. Parfois, une personne qui se plaint d’une augmentation de seulement 10 % peut avoir connu des écarts de 35 % à 40 % au cours des 5 à 6 dernières années. C’est cyclique, et l’équilibre se rétablit.

Ceux qui ont obtenu de fortes augmentations cette année pourraient être plus modérés dans les années à venir. En fin de compte, il est essentiel de se poser les bonnes questions lors d’une promotion interne ou d’un changement d’entreprise. Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ? Est-ce uniquement la rémunération qui vous motive ? Ou bien, est-ce que votre environnement de travail actuel vous convient ? etc. Toutes ces considérations sont essentielles.

Ndèye-Fatou Thioye : En matière d’évolution de carrière, 61 % des professionnels de la tech sur le marché France & Benelux ne savent pas ou ne sont pas certains qu’il est possible de progresser au sein de leur entreprise actuelle. Ils envisagent de changer d’employeur pour favoriser leur croissance professionnelle.

 

Est-ce fréquent de voir des candidats quitter leurs entreprises pour une promotion qu’ils auraient pu avoir avec leurs entreprises actuelles ?

Pierre Gromada : Dans le domaine du conseil, qu’il s’agisse des ESN ou des sociétés de conseil, de nombreux consultants envoyés chez les clients cherchent à éviter l’exploitation. Ils observent leur salaire diminuer en fin de mois, tandis que la société de conseil réalise des marges qu’ils jugent parfois excessives.

Cette frustration les pousse à vouloir gagner davantage. Leur mécontentement ne réside pas nécessairement dans le salaire brut, mais plutôt dans le constat que si leur salaire est de X euros en fin de mois, la société de conseil réalise une marge de 100 %, ce qui est perçu comme une injustice.

Quant au deuxième point, celui du changement d’entreprise pour une meilleure rémunération, il s’agit d’une décision profondément humaine. Aborder un mal-être, qu’il soit financier ou relationnel, avec son employeur n’est pas facile. Cela demande du courage et tout le monde n’est pas prêt à faire cet effort. Pourtant, il est essentiel de communiquer avec son employeur sur ses insatisfactions. Sinon, l’histoire professionnelle risque de s’interrompre un jour. La fuite ou l’attitude de l’autruche semblent parfois être un choix plus simple.

Romain Haimez : Il existe deux types de rétention :

  • La rétention proactive concerne les employés qui sont déjà dans l’entreprise et pour lesquels nous souhaitons améliorer les conditions de travail, la culture, etc. C’est ce que j’appelle la rétention positive.
  • La rétention négative consiste à retenir des employés qui ont déjà exprimé leur souhait de partir, voire qui ont déjà reçu une offre d’emploi ailleurs. Dans ce cas, il y a souvent un problème de communication ou de relation. Il n’est pas sain de vouloir les retenir à tout prix. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire de contre-offre, mais chaque situation est unique.

Prenons l’exemple de Shift, une entreprise dont la moyenne d’âge est assez jeune. Beaucoup de collaborateurs, notamment les Data Scientists, sont au début de leur carrière. Ils apprennent énormément et parfois décident de changer d’environnement pour évoluer ou explorer de nouvelles technologies. Dans ces cas-là, nous les soutenons et les encourageons à suivre leur choix.

D’ailleurs, certains collaborateurs sont partis puis sont revenus avec de nouvelles compétences. Il est essentiel d’agir intelligemment. De plus, il ne faut pas attendre le dernier moment pour augmenter un salaire ou améliorer les conditions de travail, la culture d’entreprise et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Pierre Gromada : Tout à fait, ! Soigner les départs est un enjeu majeur pour les RH et les DRH. Il est essentiel d’accepter que le turnover fasse partie intégrante du fonctionnement des entreprises. Plutôt que de le combattre, nous devons l’accepter. Cependant, réussir à soigner ces départs ouvre la porte à des retours positifs et contribue à l’image globale de l’entreprise. Que les collaborateurs partent pour ne jamais revenir tout en gardant une bonne image, ou qu’ils partent pour mieux revenir.

 

Quels sont les profils les plus complexes à recruter ?

Romain Haimez : Tous ! Dans le sens où, cela dépend des technologies utilisées. Parfois, des métiers qui semblent simples, comme les Développeurs, peuvent être difficiles à pourvoir. Par exemple, je recherche actuellement un Senior Frontend avec des compétences en React et TypeScript. Ce poste exige à la fois de la séniorité, des compétences en encadrement et en mentoring, ainsi qu’une hyperspécialisation dans une technologie. Trouver ce profil, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

En tant qu’entreprise d’intelligence artificielle, nous prévoyons d’intégrer de nombreuses nouvelles technologies dans notre roadmap des prochains mois et des deux prochaines années. Nous recherchons donc des Software Engineers qui maîtrisent à la fois le data engineering, le data warehousing et la data science. Ces profils hybrides entre développement et data sont encore peu courants.

Pierre Gromada : La pénurie de talents technologiques est un enjeu majeur. Les technologies évoluent rapidement, et les jeunes formés aujourd’hui maîtrisent les dernières avancées. Cependant, le marché ne suit pas toujours le même rythme. Par exemple, lorsqu’on visite des salons comme Viva Tech, on constate que l’intelligence artificielle est omniprésente. Mais en revenant dans nos entreprises, l’IA ne gère pas encore notre travail au quotidien.

Les entreprises doivent s’adapter au marché, et la pénurie concerne principalement les compétences technologiques. Mon conseil aux DRH et aux Directeurs des systèmes d’information est de collaborer étroitement sur les choix technologiques. Il est essentiel d’éviter que les Directeurs informatiques prennent des décisions unilatérales basées sur leurs convictions, sans tenir compte des ressources disponibles. Parfois, une technologie brillante choisie pour l’entreprise peut se révéler difficile à mettre en œuvre faute de compétences locales. Il est donc crucial d’agir en tenant compte de la réalité des ressources.

 

En Europe, 85 % des employeurs en phase de recrutement effectuent des recherches uniquement dans leur pays. Qu’en pensez-vous ?

Romain Haimez : Les différences culturelles sont mieux comprises et appréhendées de nos jours. Il est donc peut-être plus simple pour quelqu’un de s’adapter. Cependant, en se limitant à des recherches uniquement nationales, on risque de passer à côté d’une partie de cette génération actuelle qui s’est expatriée. Je parle en toute connaissance de cause, car j’ai moi-même souhaité revenir en France après avoir été intéressé par un poste basé à Paris alors que j’étais à Hong-Kong. Il ne faut donc pas se cantonner à un seul marché.

Bien sûr, relocaliser quelqu’un d’un pays lointain avec une culture différente et peut-être une famille à charge engage des responsabilités éthiques et morales. Imaginons que la collaboration ne se passe pas bien et que vous deviez vous séparer de cette personne après quelques mois. Cela peut être lourd à porter.

Il est essentiel de peser le pour et le contre. Si vous êtes DRH et que les procédures de visa vous compliquent la tâche, sachez qu’il existe d’autres possibilités. Ne vous limitez pas à une seule option. En France, certains métiers, comme ceux de la Cybersécurité par exemple, sont très spécifiques. Si vous cherchez uniquement en France, cela peut être un défi. Il est donc important de rester ouvert et de considérer toutes les options.

 

 

Quelle est la fausse bonne idée du moment dans le secteur de la Tech ?

Pierre Gromada : C’est dire que l’intelligence artificielle va supplanter l’homme dans nos emplois. Pourtant, comme toutes les évolutions technologiques que nous avons connues, l’explosion d’Internet il y a une vingtaine d’années a marqué nos vies de manière significative.

Certes, l’intelligence artificielle perturbera inévitablement notre quotidien. Cependant, je suis convaincu que c’est un changement qu’il faut accueillir et maîtriser en tant qu’êtres humains. Nous devons apprendre à collaborer avec cette technologie plutôt que de la repousser en prétendant qu’elle remplacera l’homme. En réalité, c’est en embrassant ce changement que nous pourrons créer les évolutions nécessaires.

Personnellement, je considère cette évolution avec optimisme. Elle nous permettra de gagner du temps et, si je parviens à réduire mes journées de travail grâce à l’intelligence artificielle, je pourrai consacrer plus de temps à mes filles. Voilà pourquoi je la vois d’un très bon œil !

Romain Haimez : Je partage l’avis de Pierre. Ces technologies sont là pour aider. Par exemple, chez Shift, les Développeurs utilisent ces outils comme base, puis retravaillent et modèlent les résultats.

Pour conclure, la fausse bonne idée serait de penser que vous êtes obsolète parce que vous avez 20 ans d’expérience. Au contraire ! Ces nouvelles technologies s’intègrent souvent dans des systèmes existants, dans un contexte de « legacy ». Nous avons besoin de personnes expérimentées qui collaborent avec celles ayant une expertise pointue dans ces domaines.

Donc, ne vous sous-estimez pas ! Vous n’êtes ni remplaçable ni obsolète. Chez Shift, nous sommes toujours à la recherche de talents, alors n’hésitez pas à vous lancer !

 

Cet épisode est également disponible à l’écoute sur les plateformes de diffusion suivantes :

 

 À propos de l'auteur

PIERRE GROMADA - Directeur Technology Solutions France & Luxembourg

Diplômé d’école de commerce, Pierre a démarré sa carrière dans l’est de la France dans le domaine de la banque puis du conseil avant de s’établir au Luxembourg en 2012. Il rejoint à cette période Hays France & Luxembourg pour faire partie de l’équipe fondatrice de notre branche Technology Solutions. Entre 2012 et 2016, il remportera plusieurs titres de meilleur account manager. Il se verra confier la direction de l’entreprise au Luxembourg en 2016 pour un mandat de 5 ans. Depuis 2021, Pierre est le directeur de la branche Technology Solutions pour la France et le Luxembourg et le président de Hays portage.

articleId- 68462131, groupId- 20151