JOURNÉE DES FEMMES ET DES FILLES DE SCIENCE : OÙ EN EST-ON ? 

7 mins de lecture | Alice Camblat & Noémi Capell | Article | Diversité, Égalité & Inclusion

femme qui tiens un bocal de science

Les femmes et les filles de science, ou l’immense talent inexploité dans le monde

Ce 11 février, nous célébrons la journée internationale des femmes et des filles de science. Si les femmes sont de plus en plus reconnues dans le monde de la science, les disparités de genre persistent. Explications.

 

Pourquoi a-t-on besoin d’une journée internationale des femmes et des filles de science ?

A travers le monde et ce depuis des années, il existe des inégalités de genre importantes dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et les mathématiques (STEM). Malgré les progrès considérables réalisés par les femmes en matière de participation dans l’éducation supérieure, elles demeurent sous-représentées dans ces disciplines scientifiques.

Commençons par quelques chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) :

  • Les subventions de recherche attribuées aux femmes sont généralement inférieures à celles de leurs homologues masculins. Malgré le fait qu’elles constituent 33 % de la communauté de recherche, seulement 12 % des sièges dans les académies nationales des sciences sont occupés par des femmes.
  • Dans les domaines d’études liés aux STEM, les femmes ne représentent que 35 % de tous les étudiants.
  • En 2016, seulement 30 % des pays ayant des données sur la proportion de femmes chercheuses avaient atteint la parité.
  • Les femmes ne représentent que 28 % des diplômés en ingénierie et 40 % des diplômés en informatique, malgré la pénurie de compétences dans la plupart des secteurs technologiques moteurs de la 4è révolution industrielle.
  • Dans les secteurs de pointe tels que l’intelligence artificielle, seulement 22 % des professionnels sont des femmes.
  • Les carrières des chercheuses ont tendance à être plus courtes et moins bien rémunérées. Leurs travaux sont sous-représentés dans les revues prestigieuses et elles sont souvent ignorées pour des promotions.
  • Jusqu’à présent, seulement 22 femmes ont été honorées par un prix Nobel dans un domaine scientifique.

Face à ce constat, et afin de sensibiliser le public à cette question, favoriser et accroître la participation des femmes et des filles à la science, l'Assemblée générale des Nations unies a déclaré le 11 février Journée internationale des femmes et des filles de science.

 

L’effet Matilda, ce phénomène qui invisibilise les femmes de science

L’effet Matilda est un concept qui désigne la tendance à minimiser, spolier ou nier la contribution des femmes à la recherche scientifique, et dont le travail est attribué à leurs collègues masculins.

Ce phénomène a été décrit pour la première fois par la suffragette et abolitionniste Matilda Joslyn Gage dans son essai « Woman as Inventor » et le terme « effet Matilda » a été inventé en 1993 par l’historienne des sciences Margaret W. Rossiter. L’effet Matilda a été comparé à l’effet Matthieu, selon lequel un scientifique éminent obtient souvent plus de crédit qu’un chercheur relativement inconnu, même si leur travail est partagé ou similaire.

Si elles sont parfois moins visibles, parfois même oubliées, les femmes scientifiques qui ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire ne manquent pas. D’Ada Lovelace, qui a ouvert la voie dans le domaine de l’informatique, à Rosalind Franklin, une visionnaire de la biologie moléculaire et de l’ADN, ces femmes ont repoussé les limites de la recherche scientifique. Retour sur six femmes de sciences remarquables qui ont été victimes de l’effet Matilda.

 

Ada Lovelace (1815-1852), première programmeuse informatique

Surnommée la « Princesse des Parallélogrammes », Ada Lovelace est une mathématicienne du 19e siècle qui a traduit un article d’un ingénieur italien consacré aux machines à calculer.

Elle ne s’est pas contentée de traduire, elle a également apporté de nombreuses observations, dont des instructions pour calculer les nombres de Bernoulli. Ces informations précieuses sont aujourd’hui considérées comme le premier programme informatique de l’histoire. En voyant la programmation comme un langage à part entière, Ada Lovelace a apporté une perspective nouvelle sur l’utilisation des machines.

Ada Lovelace est un exemple de l’effet Matilda. Malgré ses contributions significatives à l’informatique, son travail a été longtemps minimisé et attribué à Charles Babbage. C’est seulement des années plus tard que son travail a été reconnu à sa juste valeur.

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Lise Meitner (1878-1968), à la découverte de la fission

En 1901, Lise Meitner, ayant obtenu la mention la plus élevée, devient la deuxième femme à obtenir un doctorat de l’Université de Vienne, à une époque où étudier relève du parcours du combattant pour les femmes.

En 1911, elle rejoint le département de chimie de la société Kaiser-Wilhelm pour l’avancement des sciences, dirigé par Otto Hahn, puis prend la tête du département de physique lors de sa création. La collaboration entre Otto Hahn, chimiste, et Lise Meitner, physicienne, est très productive. En 1934, Fritz Strassman rejoint l’équipe pour étudier les réactions nucléaires artificielles.

En 1938, ils découvrent le principe de la fission, une découverte cruciale pour la construction de la bombe nucléaire. Malheureusement, après l’annexion de l’Autriche par le régime nazi, Lise Meitner, d’origine juive, est forcée de fuir en Suède. En décembre de la même année, lorsque leurs travaux sont publiés dans la revue scientifique Naturwissenschaften, Lise Meitner n’est pas citée en raison de sa situation. C’est ainsi qu’en 1944, le prix Nobel de chimie est attribué à Otto Hahn et Fritz Strassman.

 

Hedy Lamarr (1914-2000), à l’origine du Wifi

En plus de sa carrière au cinéma, Hedy Lamarr est également connue pour ses contributions à la science des télécommunications. Avec le compositeur George Antheil, elle a inventé un système de guidage radio pour les torpilles alliées qui utilisait la technologie d’étalement de spectre et de saut de fréquence pour contrer le brouillage radio par les puissances de l’Axe.

Cette invention est un principe de transmission fondamental en télécommunication, utilisé aujourd’hui pour le positionnement par satellite (GPS, etc.), les liaisons chiffrées militaires ou dans certaines techniques Wi-Fi. Ce n’est qu’en 2014, après son décès, que Hedy Lamarr a été honorée par son inclusion dans le prestigieux National Inventors Hall of Fame.

 

Katherine Johnson (1918-2020), mathématicienne de génie à la NASA

Katherine Johnson, une mathématicienne américaine, a joué un rôle crucial dans le domaine de l’ingénierie aérospatiale. Pendant 33 ans, elle a travaillé pour la NASA et ses calculs ont servi à définir les trajectoires de plusieurs missions spatiales de l’agence, y compris le premier vol spatial habité américain d’Alan Shepard en 1961 et le premier vol orbital américain de John Glenn en 1962.

Bien que son travail ait été essentiel, sa contribution n’a pas été pleinement reconnue pendant sa carrière. Ce n’est qu’avec la sortie du film « Les Figures de l’ombre » (Hidden Figures) en 2016 qu’elle a reçu une reconnaissance plus large.

 

Rosalind Franklin (1920-1958), pionnière de l’ADN

Dans les années 1950, la chimiste britannique Rosalind Franklin se distingue dans le domaine de la cristallographie, une science qui permet, à partir d’images radiographiques, en deux dimensions, de déduire mathématiquement la structure dans l’espace de grosses molécules.

En 1952, au King’s College de Londres, elle produit une image impressionnante d’une fibre d’ADN. Cette image sera utilisée sans son consentement par Francis Crick et James Watson, de Cambridge, pour résoudre le mystère de la structure en double hélice de l’ADN, l’une des découvertes les plus importantes de l’histoire de la biologie.

Cet apport majeur à la science, publiée dans la revue Nature en 1953, vaudra le prix Nobel de médecine 1962 à Crick, Watson et Maurice Wilkins. Malheureusement, Rosalind Franklin, décédée quatre ans plus tôt, ne sera jamais associée à cette réalisation.

 

Jocelyn Bell (1943-), découvreuse des pulsars

Au milieu des années 60, Jocelyn Bell, passionnée d’astronomie, commence des études de radioastronomie à l’Université de Cambridge. À cette occasion, elle construit un radiotélescope pour étudier les quasars, sous la supervision de l’astronome Anthony Hewish. Une fois l’outil achevé en 1967, elle découvre ce qui sera plus tard identifié comme des pulsars, sans recevoir le soutien de l’astronome.

En 1968, lors de la publication de ses résultats de recherche dans la revue Nature, c’est le nom d’Anthony Hewish qui est mentionné dans l’article. Et en 1974, c’est lui, ainsi que Martin Ryle, qui reçoivent le prix Nobel de physique.

 

Célébrer les réalisations des chercheuses à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science

La Journée internationale des femmes et des filles de science est une occasion importante de reconnaître les contributions significatives des femmes à la science et de mettre en lumière les défis auxquels elles sont confrontées. Malgré les obstacles, les femmes ont fait des avancées remarquables dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Cependant, les disparités de genre persistent et l’effet Matilda continue d’occulter les réalisations des femmes. Il est donc essentiel de continuer à promouvoir l’égalité des sexes dans ces domaines et de reconnaître le travail des femmes scientifiques qui ont repoussé les limites de la recherche scientifique. En célébrant leurs réalisations et en travaillant à éliminer les obstacles, nous pouvons espérer un avenir où les femmes seront pleinement reconnues pour leurs contributions à la science.

 

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