Recruter un clone : quand la nostalgie freine l'innovation

4 mins de lecture | Marie Maillard & Marie Hathroubi | Article | Recrutement

Le syndrome du clone : quand le passé dicte les embauches

Dans le monde du recrutement en entreprise, il existe un paradoxe saisissant. Les entreprises affirment vouloir des talents créatifs et innovants, capables de renouveler les approches et préparer l’avenir. Pourtant, ces dernières cèdent souvent à une tentation bien connue : rechercher des profils « clones ».

Le recrutement ressemble parfois à un miroir déformant : au lieu de refléter l’avenir, il renvoie l’image rassurante du passé. Beaucoup d’entreprises et de recruteurs rêvent de nouveauté et d’innovation mais recherchent inconsciemment des profils qui ressemblent à ceux qui ont déjà réussi.

Cette nostalgie rassure, mais enferme également. Car derrière chaque décision de recruter un « clone » se cache un risque : celui de figer une équipe ou une entreprise dans un modèle répétitif capable de freiner l’adaptation d’un groupe aux défis futurs.

Le syndrome du clone : quand le passé dicte le futur

Dans de nombreuses organisations, le recrutement fonctionne comme un miroir tourné vers le passé. On cherche celui ou celle qui « ressemble » aux collaborateurs historiques avec les mêmes soft skills et compétences techniques, ou qui cadre parfaitement avec une image figée de l’entreprise.

Mais sur quoi reposerait cette croyance ? La réponse résiderait en deux parties :

  • La première : reproduire une réussite passée garantit systématiquement la réussite future.
  • La seconde : un profil s’écartant trop des standards risquerait de déstabiliser l’équilibre d’un collectif.

Le problème ? Ce choix privilégie la conformité plutôt que la diversité. Le « clone » rassure parce qu’il est familier, mais cette ressemblance peut également devenir une prison. En cherchant à revivre des succès passés, l’entreprise s’interdit de fait de créer des succès futurs.

Recrutement d’un salarié cloné : quelles conséquences ?

Si recruter un clone semble être sécurisant, ce choix n’est pas pour autant prudent. Au contraire, cela peut être une stratégie qui enferme. Car derrière l’apparente homogénéité et efficacité d’un clone, certains effets invisibles mais lourds de conséquences s’accumulent et finissent par fragiliser la dynamique d’une entreprise.

Une créativité bridée

Il n’est plus à prouver qu’une équipe composée de profils variés représente un véritable atout pour une entreprise. Cependant, dans le cas où tous les membres d’une même équipe ont un profil identique, la créativité collective s’en trouve appauvrie.

Quand tout le monde partage le même cadre de pensée, les échanges tournent en rond. Les discussions confirment les idées établies plutôt que de les challenger. L’entreprise se spécialise dans l’exécution de ce qu’elle sait déjà faire, mais peine à inventer de nouvelles choses.

Certes, le confort intellectuel est agréable, mais il étouffe l’innovation. Sans friction constructive, sans confrontation de points de vue, l’entreprise finit par perdre en capacité d’innovation.

Une attractivité en déclin

De nos jours la plupart des chercheurs d’emploi privilégient des environnements où l’on valorise les parcours atypiques et la diversité des approches et des façons de penser. Une entreprise qui donne l’impression de recruter toujours les mêmes profils finit par apparaître conservatrice. À force de chercher la copie conforme, elle se prive de ceux qui veulent inventer autre chose.

Une vulnérabilité face aux défis du monde professionnel

Lorsque survient une mutation du monde du travail, quelle soit technologique, économique ou encore culturelle, l’homogénéité d’un groupe devient un handicap. En effet, une équipe construite sur des profils identiques peut sembler efficace en période de stabilité, mais elle se révèle souvent inadaptée dès que l’environnement évolue.

Le clonage organisationnel crée une illusion de maîtrise : tout semble bien huilé, les processus sont rodés, les interactions fluides. Mais cette fluidité repose sur une base fragile. Car lorsque l’inattendu survient ce sont les équipes hétérogènes, capables de penser autrement, qui s’adaptent le plus vite.

Une étude InStride portant sur la diversité au travail atteste que les équipes diversifiées sont 87 % plus performantes dans la prise de décision qu’une équipe homogène. La même étude indique également que les entreprises inclusives ont 1,7 fois plus de chances d’innover et génèrent 2,3 fois plus de flux de trésorerie par employé.

Recrutement d’un clone : Nostalgie ou réelle stratégie ?

Ce reflexe parfois inconscient interroge réellement la culture des organisations. Derrière le choix de recruter un profil cloné se cache souvent une volonté de sécuriser, de stabiliser, voire de contrôler. Mais cette stratégie, si elle en est une, mérite d’être questionnée et challengée. Un mode de fonctionnement ancré dans les mœurs peut-il réellement changer du tout au tout ?

Changer les pratiques RH : un enjeu stratégique

Pour sortir de ce schéma, les entreprises doivent apprendre à valoriser le décalage, l’inattendu, l’altérité. Cela implique de repenser leurs critères de sélection, de remettre en question leurs biais inconscients, et surtout, de cultiver une culture managériale qui accueille la différence comme une richesse plutôt qu’une menace.

Recruter autrement, c’est également faire le choix du courage, notamment à l’échelle des managers. C’est accepter l’inconfort temporaire que peut générer la diversité pour construire une organisation plus résiliente, plus créative et mieux préparée aux défis futurs. C’est transformer en profondeur la manière d’évaluer le potentiel humain pour en faire émerger la véritable innovation.

 

 À propos de l'auteur

Marie Hathroubi - Talent Acquisition & Training Executive Director  

Diplômée d’une école de commerce, Marie a travaillé au sein d’un service RH dans le secteur de l’industrie. Elle y réalise des tâches lui permettant de découvrir l’ensemble de la fonction RH notamment au niveau recrutement, formation et administration du personnel. Chez Hays depuis 2007, Marie a d’abord occupé le poste de consultante en recrutement pendant 4 ans pour accompagner tous types d’entreprises en Ile-de-France dans leur problématique RH et plus précisément de Recrutement.  
En 2011, Marie bénéficie d’une mobilité interne et occupe aujourd’hui le poste de Directrice du recrutement et de la formation interne. Cette fonction lui permet de superviser l’ensemble des recrutements de permanents et de stagiaires sur la France & le Luxembourg ainsi que leur parcours d’intégration.  
 

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