L’EMPLOI DES SÉNIORS BOOSTÉ PAR LA RÉFORME DES RETRAITES

8 mins de lecture | Philippe Lambert | Article | Tendances de marché

Le recul de l'âge légal de départ à la retraite cristallise à nouveau les débats en ce début 2023, notamment depuis la présentation du projet de réforme du 10 janvier. Une bonne occasion pour Hays de (re)parler de l'emploi des seniors, qui constitue l'un des enjeux clés de l'avenir de notre système.

En France, seulement un tiers des personnes âgées de 60 à 64 ans travaille. Le gouvernement le reconnaît : la réussite de sa réforme des retraites passe par le maintien dans l'emploi en fin de carrière. « Il est temps que les entreprises fassent « leur place aux personnes proches de la retraite » et veillent « à une meilleure qualité de vie au travail », a lancé la cheffe du gouvernement, soulignant que l'emploi des seniors est « un combat auquel [elle] croit profondément ».

En matière de recrutement des cadres, l’année 2022 a été excellente au point de parler de pénurie dans certains secteurs. D'ailleurs, le taux de chômage y est quasiment inférieur de moitié à celui de la population active globale avec 4,1% contre 7,9%.

Pour autant, « cette situation de quasi-plein-emploi cache des situations contrastées et d’autres beaucoup plus difficiles, en particulier pour les plus âgés » souligne Gilles Gateau, directeur général de l'Apec (Agence pour l'emploi des cadres) dans une étude menée avec Pôle Emploi.Comment allonger la durée d’une vie professionnelle quand retrouver un travail représente un casse-tête pour une partie importante des seniors ?

Voici 3 des leviers proposés par le gouvernement pour augmenter le taux d'emploi des seniors:

 

1. Reporter l’âge de départ

Pour le gouvernement, le recul de l'âge légal de départ à la retraite est l'un des leviers « les plus efficaces » pour améliorer le maintien en emploi des seniors. Avec le passage progressif de 62 à 64 ans, il a calculé que le nombre des 55 à 64 ans en emploi augmenterait de plus de 100.000 en 2025, trois fois plus en 2030.

Les plus favorisés par ces mesures d'âge sont les actifs qui ont un travail stable et qualifié et qui le gardent plus longtemps, ceux qui sont au chômage le restent plus longtemps en revanche : jugés trop vieux, trop chers et pas assez productifs, ils ont énormément de mal à franchir à nouveau les portes d'une entreprise malgré les difficultés de recrutement dont se plaignent les employeurs.

Changer les représentations des seniors et favoriser leur emploi constitue un préalable à toute réforme des retraites : sinon, le risque sera de renforcer et rallonger encore le chômage des plus de 50 ans.

 

2. Création de l‘ « index senior »

D’après le rapport de la Dares, publié en avril 2022, en France, le taux d'emploi des 55-64 ans se situe à 56%. Une moyenne qui cache de profondes disparités, car ce chiffre fond drastiquement après 60 ans en passant à 35,5% pour les 60-64 ans (contre 46% en moyenne pour l'Union européenne). De plus, les seniors pâtissent de freins à l'embauche, souvent injustes. Les problèmes de santé, la fatigue sont cités par 46% des dirigeants interrogés. Tout comme la difficulté d’appropriation des outils numériques à 32%.

Le ministre Olivier Dussopt explique que « notre système économique n'a pas la culture de l'emploi des seniors ». Un constat qui se vérifie dans de nombreuses entreprises françaises.Le gouvernement va proposer un index sur l’emploi des séniors comme cela existe déjà pour rendre compte de l’égalité hommes/femmes. Il sera obligatoire pour les entreprises de plus de 1000 salariés dès cette année et en 2024 pour celles de plus de 300 salariés.

Si elles refusent de renseigner l'index, les entreprises pourraient encourir une sanction pouvant aller jusqu'à 1 % de la masse salariale, selon le projet du gouvernement.

Les entreprises où l'emploi des seniors ne progresse pas ne seront en revanche pas sanctionnées, mais elles feront l'objet d'une « obligation renforcée de négociation d'un accord social » afin d'améliorer la situation.

 

3. Assouplir le dispositif de retraite progressive

Le gouvernement souhaite par ailleurs améliorer la transition emploi-retraite qui permet de toucher une partie de sa retraite tout en travaillant à temps partiel. « Nous permettrons ainsi à ceux qui le souhaitent de passer à temps partiel, deux ans avant l'âge légal de départ, en liquidant une partie de leur retraite », a expliqué Elisabeth Borne.

Il révisera également le dispositif de cumul emploi-retraite - consistant à poursuivre une activité professionnelle tout en touchant sa pension de retraite - de façon à permettre aux bénéficiaires de cumuler des droits supplémentaires, comme pour la retraite progressive.

De plus, pour éviter que l'assurance-chômage ne soit utilisée par certaines entreprises et seniors comme fin de carrière, et inciter des seniors à se faire réembaucher, le gouvernement réfléchirait à réduire via la dernière réforme de l'assurance-chômage, à partir du 1er février 2024, de 36 mois à 27 la durée maximale d'indemnisation des plus de 55 ans.

Des mécanismes de protection seraient prévus, notamment une durée minimum d’indemnisation de 6 mois.

Selon une étude récente d'Indeed, un salarié sur quatre (23%) s’est déjà vu reprocher d’être trop âgé pour le poste visé, lors de recrutements passés. Et plus d’un quart des dirigeants d’entreprise avoue que face à des CV équivalents, il privilégie le candidat le plus jeune. Ces résultats font mal.

Paradoxalement, les dirigeants (mais aussi les salariés en général) louent l'expertise des seniors quand ils sont dans leurs équipes. Leurs atouts ? le partage de savoirs à d’autres collaborateurs plus novices mais également la connaissance du métier et son environnement. Les salariés leur accordent d'ailleurs un crédit bien supérieur en la matière, que les dirigeants d'entreprise.

Il existe des pistes pour favoriser l'emploi des seniors et valoriser l'expérience de ceux qui prennent de l'âge dans le travail.

Alors que l'idée d'instaurer des quotas de seniors dans l'entreprise fait son chemin, la notion de sens au travail reste plus largement à interroger dans son interaction entre l'entreprise et la personne. Mieux prendre en compte le sens du travail, favoriser les transmissions de compétence et de savoir-être entre les générations et changer le regard sur l'âge forment un ensemble qui peut contribuer à améliorer l'emploi des seniors.

Sur hays.fr, bénéficiez de notre expertise pour valoriser votre expérience et favoriser l’évolution de votre carrière.

Philippe Lambert, Directeur des Ressources Humaines, en collaboration avec Ndeye-Fatou Thioye-Mezui.

 À propos de l'auteur

Directeur des Ressources Humaines, en collaboration avec Ndeye-Fatou Thioye-Mezui.

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Philippe a intégré en 1988 le Groupe Steria où il a exercé plusieurs fonctions commerciales et en Ressources Humaines devenant en 1997 Adjoint du DRH France et Directeur du Recrutement interne. Après avoir participé au lancement de la start-up et web agency Hitit en 2000-2001, il rejoint à cette date Hays France. D’abord DRH de la SSII Hays IT, il devient en 2005 DRH de l’ensemble des activités françaises auxquelles s’ajoute le Luxembourg en 2009 puis le Maroc en 2022, soit 1000 salariés permanents et 700 intérimaires. A ce jour, il est en charge de People & Culture pour la France, le Benelux et le Maroc.

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