RÉSEAUX SOCIAUX : QUAND LE SALARIÉ PARLE DE L'ENTREPRISE

4 mins de lecture | Anne Petillo & Eunice Batep | Article | Équilibre vie pro & vie privée

smartphone réseaux sociaux

Salariés, attention à vos publications en ligne ! 

Les réseaux sociaux ont considérablement transformé notre façon de communiquer, de partager des informations et d'interagir avec les autres. Si pour beaucoup les réseaux sociaux sont synonymes de liberté et de divertissement, ils soulèvent cependant d'autres considérations, en particulier lorsqu'il s'agit pour les employés de naviguer entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

De plus en plus de salariés s’expriment librement sur les réseaux sociaux au sujet de leur entreprise, leurs collègues de travail ou leur supérieur hiérarchique. Si les propos tenus se rapportent dans l’esprit du salarié à la sphère privée, il peut arriver que des propos excessifs soient considérés comme fautifs par l’employeur. Mais ce dernier peut-il vraiment sanctionner ces propos lorsque le salarié brandit son droit à la liberté d’expression ?

La réponse est nuancée.

 

Une liberté d’expression sous tension ?

Les salariés bénéficient, certes, d’un droit à la liberté d’expression applicable quel que soit le support des propos tenus. Mais cette liberté d’expression inscrite dans les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est-elle totale ou connaît-elle certaines limites ? L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme le voici : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

Tout réside donc dans la notion d’abus et là-dessus les tribunaux ont eu l’occasion de s’exprimer et sont considérés comme abusifs, les propos injurieux, excessifs ni diffamatoires. Les salariés ne sont pas toujours conscients de ces limites, en particulier lorsqu’ils s’expriment sur les réseaux sociaux. Ces plateformes ne peuvent pas servir de tribune ou de défouloir aux salariés. Si ces derniers, au nom de la liberté d’expression, doivent pouvoir s’exprimer sur l’entreprise et son fonctionnement et sur leurs conditions de travail, ils ne peuvent en aucun cas dénigrer ou insulter leur employeur ou leurs collègues de travail.

Ils ne peuvent pas davantage évoquer des données confidentielles ou publier, sans le consentement des intéressés, des vidéos ou des photos.

 

Les limites étant définies, que se passe-t-il lorsqu’elles sont franchies ?

En principe, tant que les propos tenus par le salarié au sujet de l’entreprise sur un réseau social comme Facebook demeurent privés, ils ne peuvent pas lui être reprochés, quelle que soit leur teneur.

Mais lorsque les propos du salarié deviennent publics, tout dépendra du paramétrage du compte sur le réseau social. Si les propos en question sont accessibles aux seules personnes agréées par l’intéressé, en nombre très restreint et formant ainsi une communauté d’intérêts, ces propos n’ont pas de caractère public.

Toutefois, les cours de justice font la distinction entre ce qui est de l'ordre du privé (protégé par le secret des communications et le principe du respect de la vie privée) et ce qui est de l'ordre du public (qui peut alors être exploité par l'employeur pour justifier une sanction disciplinaire).

Selon les magistrats, les interactions ou les commentaires faits sur les plateformes sociales sont considérés comme relevant de la sphère privée dès que l'employé a configuré son compte en conséquence, c'est-à-dire qu'il a restreint ses interactions à son cercle d'amis uniquement, nommément identifiés, et à condition que ce cercle d'amis demeure limité (le compte Facebook accessible aux « amis de ses amis » pourrait être considéré comme un compte public).

Inversement, si les posts sont effectués sur un profil ouvert, les employés concernés peuvent être pénalisés. Prudence, indépendamment du contenu des déclarations faites par un employé, celui-ci peut être pénalisé si l'employeur remarque qu'il se connecte de manière excessive aux médias sociaux pendant ses heures de travail. Le fait de visiter des sites de voyage, Facebook, plusieurs heures par jour, tous les jours, peut être pénalisé. De plus, insulter sur un média social l'employeur, un supérieur ou tout autre membre de l'entreprise peut constituer un délit (délit d'injure publique, délit de diffamation publique, etc.)

 

Cependant, ces règles sont souvent méconnues, alors comment faire pour y remédier ?

Les salariés et les entreprises doivent se poser la question de la maîtrise des informations diffusées sur les réseaux sociaux.

  • Pour les employeurs parce que cela représente une atteinte potentielle à leur image et à leur e-réputation ;
  • Pour les salariés parce qu’ils peuvent faire l’objet de ce fait de mesures disciplinaires, voire de licenciements en raison des propos tenus sur les réseaux sociaux.

La formation des salariés ainsi que la mise en place de chartes sur l’utilisation des réseaux sociaux peuvent permettre à l’employeur d’anticiper d’éventuelles utilisations défaillantes et aux salariés d’avoir une meilleure connaissance des conséquences de l’utilisation de ces réseaux.

Dans la sphère privée des réseaux sociaux, les employés doivent être conscients des pièges et des défis potentiels qui peuvent découler d'un comportement inapproprié, d'un conflit ou d'une violation de la politique. En comprenant les limites, les responsabilités et les conséquences de l'utilisation des médias sociaux dans la sphère privée, les individus peuvent naviguer dans le paysage numérique avec intégrité, respect et professionnalisme, contribuant ainsi à une présence en ligne positive et constructive qui s'aligne sur leurs valeurs personnelles et professionnelles. Le respect des normes éthiques, l'adhésion aux politiques de l'entreprise et la promotion d'interactions en ligne positives peuvent permettre aux salariés d'utiliser les réseaux sociaux de manière responsable, de protéger leur réputation et de promouvoir une culture du respect et de la confiance dans le domaine numérique.

 

 À propos de l'auteur

Anne Petillo - Directrice des Ressources Humaines

Titulaire d’un DEA en Droit social et du CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat), Anne a d’abord conseillé Hays en tant qu’Avocat entre 2011 et 2015. En 2015, elle rejoint la société et occupe un poste de Juriste en Droit social. En 2016, elle devient Responsable juridique Social et participe à la gestion du personnel intérimaire et permanent. En 2019, elle devient DRH adjoint du groupe Hays France & Luxembourg, puis en 2023 elle reprend le poste de DRH. 

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