GHOSTING : UNE TENDANCE EFFRAYANTE

7 mins de lecture | Mathilde Lecerf | Article | Tendances de marché

fantome

Zoom sur le phénomène du ghosting, entre candidats fantômes et recruteurs injoignables 

Ces dernières années, le paysage du recrutement a été marqué par une tendance quelque peu troublante : la recrudescence du « ghosting ». Ce phénomène reflète l'évolution de la dynamique de la recherche d'emploi, de la communication et du professionnalisme à l'ère moderne. Dans cet article, examinons ce phénomène qui ne cesse de faire trembler.

 

Zoom sur un phénomène en hausse

Anglicisme du mot anglais « ghost » qui veut dire fantôme, le ghosting se caractérise tout simplement comme l’art de disparaître du jour au lendemain, sans laisser de traces et ce sans avertissement, tel un fantôme.

Apparu au début des années 2000 à l’aube des sites de rencontres aux Etats-Unis, ce phénomène gangrène rapidement le monde professionnel, mais depuis quelques années, cette pratique s'est infiltrée dans le processus de recrutement, laissant à la fois les employeurs et les candidats dans la plus grande perplexité.

Il s'agit essentiellement d'un arrêt soudain de toute communication de la part de candidats, ou de recruteurs, qui étaient auparavant activement impliqués dans le processus de recrutement. Ils ne répondent plus aux courriels, aux appels ou aux messages, et manquent même parfois les entretiens prévus, semblant ainsi disparaître complètement du processus de recrutement. Cette situation peut être particulièrement décourageante pour les employeurs qui investissent du temps et des ressources dans la sélection de leurs candidats.

 

Les implications du ghosting

Ce phénomène a un impact important sur les deux parties concernées.

Pour les employeurs, cette tendance peut être source d'incertitude et de frustration. Des candidats qui semblaient pourtant prometteurs disparaissent soudainement, laissant ainsi les recruteurs dans l'incertitude quant aux raisons de cette disparition.

De surcroît, ce phénomène peut perturber le processus de recrutement, entraînant des retards et nécessitant des efforts supplémentaires pour trouver le bon candidat. Côté candidat, le ghosting peut entraîner des répercussions à long terme. Il entache réellement la réputation professionnelle et peut faire manquer des opportunités futures, car la rumeur d'un comportement non professionnel est susceptible de se répandre.

 

Mais pourquoi ghoster ?

Pour comprendre pourquoi le ghosting fait rage, il faut explorer la myriade de facteurs qui influencent la décision d'un candidat d'opter pour cette solution manifestement peu professionnelle. Parmi les principales raisons, on peut citer

 

1. Le paradigme du choix :

Le marché du travail moderne se caractérise par une concurrence féroce et une multitude d'opportunités. Les candidats se trouvent souvent dans la position privilégiée, quoique stressante, où plusieurs offres d'emploi se présentent à eux en même temps.

Le ghosting peut se manifester lorsque les candidats sont submergés par ces offres et qu'ils craignent les répercussions du rejet de certaines d'entre elles. Ils peuvent alors opter pour le silence afin de repousser leur décision finale tout en se gardant d'autres portes ouvertes.

 

2. Changement de priorités :

La vie est par nature imprévisible et les circonstances personnelles comme professionnelles peuvent changer brusquement.

Un candidat qui était activement engagé dans le processus de recrutement peut connaître un changement dans sa vie personnelle, comme la naissance d'un enfant ou un déménagement, ou peut recevoir une offre d'emploi soudaine et attrayante d'un autre employeur.

Dans ce cas, il est possible que le candidat joue la carte du « ghosting » afin d'éviter toute conversation jugée malaisante sur sa nouvelle situation.

 

3. Manque de feedback constructif :

Les candidats investissent beaucoup de leur temps et de leurs efforts dans le processus de recrutement. Ils consacrent souvent beaucoup d'énergie émotionnelle aux entretiens, aux évaluations et aux candidatures.

Lorsqu'ils ne reçoivent aucun retour ou, pire, qu'ils essuient des refus impersonnels et automatisés, ils peuvent éprouver un sentiment de frustration et d'inappréciation ; le « ghosting » est parfois leur réponse, une sorte de résistance passive à un système qui semble rejeter leurs efforts sans la moindre touche personnelle.

 

4. Traitement non professionnel :

Cette pratique n'est pas uniquement imputable aux candidats.

Les employeurs jouent également un rôle dans sa perpétuation. Un manque de professionnalisme de la part de certains employeurs peut déclencher ce phénomène. Par exemple, cela peut se traduire par l'annulation brutale d'un entretien, la durée déraisonnable d'une procédure de recrutement ou un manque de courtoisie dans la communication.

Lorsque les candidats ressentent ou remarquent un manque de respect et/ou de professionnalisme, ils peuvent choisir de se désengager du processus.

 

5. Acceptation sociale :

Le paysage social a connu des changements significatifs, le ghosting devenant monnaie courante dans divers aspects de la vie.

Que ce soit dans les rencontres, les amitiés ou la vie quotidienne, les fins abruptes et le silence radio sont devenus des moyens socialement plus acceptables de se retirer d'une relation personnelle. Cette normalisation peut conduire certains candidats à appliquer la même approche aux interactions professionnelles.

Pour eux, il peut s'agir d'une façon moins conflictuelle de se retirer du processus de recrutement sans avoir à engager une conversation potentiellement délicate ou inconfortable.

 

Tendance sociétale ou un problème unique au recrutement ?

L'une des questions pressantes est de savoir si le ghosting dans le recrutement peut être considéré comme une tendance sociétale plus large ou s'il est confiné à la sphère des candidatures à l'emploi. Bien que la réponse ne soit pas tout à fait évidente, nous pouvons explorer les facteurs qui suggèrent qu'il peut être emblématique de changements sociétaux :

 

1. L'ère numérique :

Dans une époque dominée par la communication numérique, les interactions physiques se sont considérablement réduites. Les candidatures en ligne et les entretiens virtuels sont devenus monnaie courante, permettant ainsi aux candidats de se désengager plus facilement sans avoir à subir l'inconfort des interactions en personne.

La barrière de l'écran permet souvent aux individus d'opter plus facilement pour le silence que pour la communication.

 

2. La normalisation d’une tendance :

Comme nous l'avons vu précédemment, la normalisation du ghosting dans divers aspects de la vie personnelle a engendré un certain changement psychologique. Lorsque les individus sont témoins et font l'expérience du ghosting dans des contextes sociaux, cela peut involontairement réduire la gravité perçue de ce phénomène dans des contextes professionnels.

La frontière entre le comportement personnel et le comportement professionnel peut s'estomper, contribuant ainsi à l'essor de cette pratique.

 

3. La dynamique du marché de l'emploi :

La nature dynamique du marché de l'emploi peut fortement influencer le ghosting. Alors que les candidats reçoivent fréquemment de multiples offres d'emploi, il est tentant de garder ses options ouvertes jusqu'au dernier moment.

Le ghosting peut être considéré comme un mouvement stratégique visant à maintenir la flexibilité et à saisir la meilleure opportunité possible.

 

4. L’effet boomerang :

Le ghosting engendre souvent plus de ghosting. Si les candidats ont l'impression que les recruteurs ne font pas preuve de considération dans leur processus de recrutement, ils peuvent être plus enclins à répondre de la même manière.

Le comportement d'une partie peut influencer celui de l'autre, perpétuant ainsi le phénomène du "ghosting" comme la norme plutôt que comme l'exception.

 

Résoudre le problème du ghosting

Le ghosting dans le domaine du recrutement est indéniablement en hausse et sert de miroir reflétant les dynamiques changeantes de la communication, du professionnalisme et du marché de l'emploi. Bien que ce phénomène puisse être influencé par des tendances sociétales plus larges, il est crucial que tant les employeurs que les candidats se souviennent de l'importance fondamentale d'une communication ouverte, honnête et respectueuse tout au long du processus de recrutement.

Ce dernier doit être une voie à double sens, dans laquelle les deux parties s'engagent de manière respectueuse et professionnelle. En respectant ces principes, nous pouvons espérer atténuer les effets néfastes du ghosting, maintenir l'intégrité des relations professionnelles et faire en sorte que le processus de recrutement reste un parcours constructif et respectueux pour toutes les parties concernées. Dans un monde où la communication est en constante évolution, il est important de ne pas oublier la valeur immuable de la courtoisie et de la transparence.

 

 À propos de l'auteur

MATHILDE LECERF – CHARGÉE DE RECRUTEMENT ET FORMATION INTERNE HAYS FRANCE LUXEMBOURG & CASABLANCA

Diplômée d’un Master 2 Ressources Humaines, Mathilde Lecerf intègre le cabinet Hays en octobre 2016 par le biais de l’alternance. Elle débute au sein du cabinet sur un poste de chargée de recrutement puis évolue sur un poste de consultante au sein de la division Immobilier. En novembre 2019, elle bénéficie d’une mobilité interne pour rejoindre le pôle Campus Management. Au sein d’une équipe de 2 personnes, elle est donc en charge du recrutement des stagiaires et des alternants sur l’ensemble des bureaux de France. Elle gère également une partie de la formation des nouveaux arrivants et des relations avec les écoles.

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