Ces questions qu’un recruteur ne pourra plus vous poser en entretien d’embauche

4,5 mins de lecture | Marie Maillard & Pauline Juares | Article | Entretien d'embauche

Entretien d’embauche : ce que transforme la loi sur la transparence des salaires

“Quel est votre salaire actuel ?” “Pouvez-vous me montrer vos anciens bulletins de paie ?” “Accepteriez-vous un peu moins si… ?” Ces phrases, des millions de candidats les ont entendues en entretiens d’embauche. Pour certains, elles faisaient partie du jeu. Pour d’autres, elles étaient vécues comme intrusives, inconfortables, parfois même discriminantes.

Bonne nouvelle ! Ces questions appartiendront bientôt au passé. Avec la directive européenne sur la transparence des salaires (Directive 2023/970), adoptée en mai 2023 et à appliquer en France d’ici 2026, le recrutement change de visage. Fini les devinettes, place à des règles claires et équitables : les salaires devront être annoncés dès l’offre, et les recruteurs ne pourront plus questionner le passé salarial des candidats.

Un changement qui paraît simple… mais qui bouleverse profondément les codes des entretiens. Car certaines questions, presque devenues classiques seront amenées à disparaitre.

Quel est votre salaire actuel ?

C’est sans doute la question la plus emblématique et la plus courante. Pendant longtemps, de nombreux recruteurs demandaient aux candidats leur rémunération actuelle pour calibrer leur offre. Cette pratique sera prochainement interdite.

Pourquoi ? Parce qu’elle contribue à figer les inégalités. Si un salarié a été sous-payé dans son poste précédent, il risque mécaniquement de continuer à l’être dans le suivant. Cela entretient notamment les écarts salariaux entre les hommes et les femmes.

Dès 2026, le recruteur devra fonder sa proposition sur la grille interne, le budget prévu pour le poste et la valeur du profil, et non sur l’historique de rémunération du candidat. Une véritable révolution dans les pratiques RH.

Quels étaient vos primes ou avantages ?

Dans la même logique, il ne sera plus possible d’interroger les candidats sur le détail de leurs primes, bonus, ou avantages en nature (voiture de fonction, logement, etc.).

Là encore, l’objectif sera de mettre fin à une comparaison biaisée, qui ne reflète pas la valeur réelle du poste à pourvoir. Chaque entreprise a ses propres systèmes d’avantages, et il n’est pas pertinent de calquer la proposition salariale sur ce qui existait ailleurs.

Le recruteur devra donc communiquer clairement sur les avantages proposés dans son entreprise, afin que le candidat puisse évaluer l’offre en toute transparence.

Avez-vous déjà refusé une offre pour des raisons salariales ?

Certaines entreprises demandaient systématiquement aux candidats s’ils avaient déjà décliné des propositions d’embauche, et pour quels motifs. Cette question, souvent liée à la rémunération, visait à tester les attentes financières du candidat sans les formuler directement.

La nouvelle réglementation interdit ce type d’interrogation indirecte, car elle revient en réalité à contourner la règle : évaluer la candidature en prenant en compte les prétentions salariales du candidat ou de son historique, et non ses compétences.

Dorénavant, les recruteurs devront afficher dès le départ la fourchette salariale associée au poste, limitant ainsi toute ambiguïté.

Pouvez-vous nous donner vos anciens bulletins de salaire ?

Dans certains cas, des employeurs demandaient aux candidats de fournir leurs anciens bulletins de salaire pour vérifier leur niveau de rémunération. Cette pratique, déjà critiquée depuis plusieurs années, devient clairement prohibée avec l’arrivée de la loi sur la transparence des salaires.

La raison est simple : ces documents contiennent des informations personnelles qui n’ont pas à être divulguées dans un processus de recrutement. De plus, cela plaçait le candidat dans une position défavorable, obligé de « prouver » ce qu’il gagnait au lieu de négocier librement.

Dorénavant, seul comptera le dialogue sur la valeur du poste et les compétences apportées.

Accepteriez-vous une rémunération inférieure si… ?

Une méthode de recruteurs plus détournée consistait à tester la flexibilité des candidats avec des formules telles que :

  • « Accepteriez-vous un salaire plus bas en échange de télétravail ? »
  • « Seriez-vous prêt à commencer à un niveau inférieur, quitte à évoluer rapidement ? »

La loi sur la transparence des salaires vient encadrer ces pratiques, jugées déséquilibrées. La négociation reste possible, mais celle-ci doit se faire dans un cadre transparent et équitable, à partir de la fourchette de salaire communiquée en amont.

Quid des autres questions interdites en entretien d’embauche ?

Si la directive européenne cible spécifiquement les questions liées au salaire, il ne faut pas oublier que le Code du travail français encadre déjà les entretiens d’embauche. Certaines questions sont strictement interdites car elles relèvent de la vie privée et peuvent mener à des discriminations :

  • Votre âge ? (Sauf si le poste impose une condition légale, comme un minimum pour conduire un véhicule).
  • Êtes-vous marié·e, avez-vous des enfants, comptez-vous en avoir ? (Question potentiellement discriminante envers les femmes).
  • Quelle est votre origine, votre religion, votre orientation sexuelle ? (Strictement interdit).
  • Êtes-vous syndiqué·e ou comptez-vous le devenir ? (Protection constitutionnelle).

Ces questions n’ont jamais eu leur place en entretien. La nouveauté, c’est que la même logique s’applique désormais aux aspects salariaux : la sphère personnelle, y compris financière, n’a plus à être utilisée comme critère implicite de recrutement.

Quel impact pour les recruteurs et candidats ?

Côté recruteurs, cette réforme oblige les entreprises à repenser leur façon de recruter. Finies les discussions opaques et les “offres sur mesure” négociées au cas par cas. Il sera donc nécessaire de préparer des grilles salariales précises, les intégrer dans les annonces et former les recruteurs pour éviter tout dérapage.

Côté candidats, les postulants gagneront en visibilité et en sérénité. Plus besoin de redouter les questions-pièges ou de calculer chaque réponse. Ils sauront à quoi s’attendre et pourront se concentrer sur l’essentiel : démontrer leurs compétences, leur motivation et leur adéquation avec le poste. La négociation deviendra plus équilibrée et, surtout, plus équitable.

 

 À propos de l'auteur

Pauline Juares – Responsable du recrutement interne Hays France, Luxembourg et Maroc 

Passionnée par le recrutement et les enjeux RH, Pauline accompagne depuis 8 ans les entreprises dans la recherche et l’intégration de leurs futurs talents.

Diplômée d’une Ecole de Commerce, elle débute sa carrière en entreprise en tant que Chargée RH, puis rejoint une agence d’intérim. Cette double expérience lui offre une vision globale des Ressources Humaines (gestion de l’administration du personnel et de la paie, recrutement, formation).  
Elle intègre HAYS en 2018 en tant que consultante en recrutement spécialisée sur les profils techniques industriels. Cette expérience lui permet d’acquérir une connaissance approfondie des processus de recrutement, des techniques de sélection et des stratégies de recrutement.  
En 2021, Pauline bénéficie d’une mobilité interne et intègre l’équipe People & Culture où elle pilote le recrutement interne pour HAYS France, Luxembourg et Maroc, tout en conseillant les équipes dirigeantes sur des enjeux RH clés : marque employeur, Onboarding, benchmarking, innovation RH…

Convaincue que la transparence et l’humain sont au cœur d’un recrutement réussi, Pauline s’engage à faire évoluer les pratiques RH vers plus d’équité et d’impact.
 

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