Career cushioning : pourquoi les cadres supérieurs anticipent de plus en plus les coups durs professionnels ?
5,5 mins de lecture | Marie Maillard & Raphaël Molon | Article | Évolution de carrière

Sécuriser sa carrière sans quitter son poste : le pari du career cushioning
Vous avez sans doute déjà entendu parler du “career cushioning”, ce terme venu tout droit des États-Unis qui s’installe peu à peu dans le paysage professionnel français. Il s’agit littéralement « d’amortir sa carrière », autrement dit de préparer un plan B pour ne pas tomber de haut en cas de coup dur.
Dernier arrivé dans la famille des anglicismes à l’image du ghosting, quiet quitting ou encore quiet hiring, cette stratégie qui semblait autrefois réservée aux profils juniors en quête de stabilité, concerne désormais les cadres supérieurs et dirigeants. Ces profils expérimentés, longtemps perçus comme protégés par leur statut, choisissent désormais de sécuriser leur avenir en coulisse.
Mais pourquoi cette stratégie gagne-t-elle du terrain ? Que révèle-t-elle de l’évolution du rapport au travail ? Et surtout, comment se traduit-elle concrètement dans le quotidien des cadres supérieurs ?
Le career cushioning : un réflexe qui rassure dans un monde du travail incertain
Le principe du career cushioning est simple : ne pas se reposer uniquement sur son poste actuel et toujours avoir un plan B prêt à être mis à exécution. Même en occupant un poste stratégique, il s’agit de rester prêt à rebondir à tout moment. Concrètement, cela revient à entretenir son réseau, cultiver son employabilité et explorer discrètement des alternatives professionnelles.
Le career cushioning n’est pas un signe de désengagement. Au contraire, la plupart des cadres concernés continuent à s’investir dans leur fonction. Mais ils savent que les équilibres sont parfois fragiles et qu’aucune carrière, même bien installée, n’est à l’abri d’une restructuration ou d’un revirement stratégique.
Ce réflexe est avant tout une assurance psychologique. Savoir qu’un plan B existe réduit l’anxiété liée aux aléas du marché de l’emploi. Cela permet aussi d’affronter l’avenir avec plus de sérénité, sans se sentir prisonnier de son poste actuel.
Pourquoi les cadres supérieurs se sentent-ils plus exposés qu’avant au career cushioning ?
Il serait facile de penser qu’à leur niveau, les dirigeants et cadres expérimentés bénéficient d’une sécurité professionnelle renforcée, grâce à leur expertise, leur réseau et leur position stratégique dans l’entreprise. Pourtant, cette perception est de plus en plus remise en question. En réalité, plusieurs tendances lourdes viennent fragiliser leur sentiment de stabilité.
Des entreprises plus instables
Les restructurations en entreprise sont devenues monnaie courante. Fusions, acquisitions, plans sociaux ou externalisations peuvent remettre en cause, du jour au lendemain, des postes qui paraissaient intouchables. Même un directeur ou un cadre dirigeant n’est plus assuré de garder sa place à long terme.
Une carrière plus ouverte aux changements
Il est désormais rare de faire toute sa carrière dans une seule entreprise. Les mobilités sont plus fréquentes, parfois choisies, parfois imposées. Les cadres supérieurs savent que leur trajectoire sera jalonnée de périodes de transition et qu’il vaut mieux les anticiper que les subir.
Une quête d’indépendance
Le career cushioning n’est pas uniquement dicté par la peur. Beaucoup de cadres veulent aussi se donner les moyens de choisir et construire leur avenir. Avoir un plan B, c’est garder une marge de liberté, ne pas dépendre uniquement d’un employeur et éviter de subir des décisions unilatérales.
Un marché de l’emploi exigeant
Même les profils expérimentés doivent rester compétitifs. Les entreprises attendent des compétences à jour, une forte adaptabilité et une posture proactive. Le career cushioning permet aux cadres de rester connectés au marché et de ne pas subir une éventuelle rupture professionnelle.
Les comportements typiques du career cushioning
Le career cushioning ne se revendique pas ouvertement. C’est une démarche discrète, souvent menée en parallèle du travail quotidien, sans forcément être visible aux yeux de l’employeur ou des collègues. Elle s’inscrit dans une logique de prudence et d’anticipation, où le professionnel cherche à sécuriser son avenir sans rompre avec son poste actuel. Voici les attitudes les plus fréquentes observées chez ceux qui pratiquent cette stratégie.
Personal branding
L’un des premiers réflexes du career cushioning consiste à soigner son image professionnelle en ligne. Les cadres supérieurs mettent à jour leur profil LinkedIn, partagent des contenus en lien avec leur expertise, participent à des événements ou à des discussions sectorielles. L’objectif : rester visible, crédible et attractif aux yeux des recruteurs, sans pour autant afficher une recherche active d’emploi. Ce travail de personal branding permet de renforcer son positionnement sur le marché, d’élargir son réseau et de se préparer à saisir une opportunité si elle se présente.
Entretien du réseau
Un déjeuner avec un ancien collègue, une participation régulière à des événements de son secteur, une activité soignée sur LinkedIn… Ces gestes peuvent sembler anodins, mais ils permettent de rester présent dans l’esprit des décideurs et recruteurs. Un réseau dormant, activé dans l’urgence, est souvent inefficace. À l’inverse, un réseau vivant peut être un véritable tremplin en cas de besoin.
Formation en continu
Les cadres supérieurs investissent de plus en plus dans la formation. Que ce soit un Executive MBA, une certification technique ou un module de court en ligne, ces démarches montrent une volonté de rester compétitif et aligné avec les tendances du marché.
Ne pas se former, c’est courir le risque d’être perçu comme obsolète. Se former, c’est envoyer le signal d’une agilité permanente.
Exploration et diversification d’activités
Certains cadres choisissent de développer une activité complémentaire : missions de conseil indépendantes, engagement dans une association, participation à un conseil d’administration, ou même création d’un projet entrepreneurial. Ces expériences enrichissent leur profil, élargissent leur réseau et leur ouvrent des portes insoupçonnées. Elles renforcent aussi leur sentiment de contrôle de leur avenir professionnel.
Career cushioning : qu’en pensent les entreprises ?
Pour les employeurs, le career cushioning peut être une réalité difficile à accepter. Savoir que ses cadres supérieurs élaborent un plan B peut être interprété comme un manque de loyauté.
Pourtant, ce phénomène ne traduit pas un désengagement mais une adaptation aux réalités du marché. Les entreprises demandent à leurs talents d’être agiles, employables et résilients. De fait, les cadres appliquent ces règles pour eux-mêmes.
Certains DRH voient même le career cushioning comme une attitude saine : un cadre qui entretient son employabilité est souvent plus conscient des enjeux, plus ouvert aux évolutions et moins enclin à se reposer sur ses acquis.
En revanche, cette tendance envoie un signal fort aux entreprises : la fidélité ne s’impose plus, elle se mérite. Elle repose désormais sur des fondations concrètes : confiance, reconnaissance et perspectives d’évolution que les organisations doivent entretenir au quotidien.
À propos de l'auteur
RAPHAËL MOLON - DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT
De formation Commerciale et Animation de force de vente, Raphael Molon présente une expérience de 10 ans dans la vente de prestation de services et de plus de 25 ans dans le recrutement.
Après une expérience commerciale dans la communication et la signalisation, Raphael intègre une société de Travail Temporaire comme Apporteur d’affaire, dans le domaine de l’Industrie.
Il intègre Hays en 2003, en tant que Consultant spécialisé en Industrie et prend la direction du bureau de Lille en 2004.
Depuis 22 ans, Raphael accompagne Hays dans son développement en région avec l’ouverture de plusieurs bureaux, et il a repris et développé successivement les régions du Nord-Est et du Nord-Ouest.
A ce jour, Raphael est Directeur Général de l’ensemble de la Zone NORD et du Luxembourg comptant 8 Bureaux (130 Consultants) répartis sur quatre régions (Nord-Est, Nord-Centre, Nord-Ouest et Centre-Ouest et Le Grand-Duché du Luxembourg).
Il pilote et suit le développement de la stratégie de Hays, apporte à chacun de ses collaborateurs son œil d’expert dans la montée en compétences et le management du changement, avec l’ambition chaque jour d’apporter aux candidats et aux clients une prestation de qualité.
Passionné par le sport, Raphaël applique les valeurs de l’esprit d’équipe, de la persévérance et du fair-play dans son management.